Face au déni de démocratie, priorité à l’action !

Contrairement à la plupart des autres semaines, la BiblioDebout n’a pas été installée tous les soirs Place de la République ces derniers jours. Notre groupe a en effet décidé que face au déni de démocratie que constitue le recours au 49.3 par le gouvernement pour faire passer en force la loi travail, il fallait donner la priorité à l’action et à la participation aux manifestations organisées par les syndicats et/ou Nuit Debout.

banderole

Plusieurs d’entre nous ont participé aux sit-in devant l’Assemblée nationale qui ont eu lieu ces derniers jours, ainsi qu’à la manifestation d’hier. Nous appelons tous ceux qui partagent notre réprobation envers les méthodes du gouvernement à se joindre à la journée de mobilisation internationale “Global Debout” du 15 mai, ainsi qu’aux grèves et manifestations annoncées pour le mardi 17 mai.

Pour les prochains jours, nous vous incitons à consulter ce site régulièrement pour vérifier lorsque la BiblioDebout sera présente Place de la République. Nous reviendrons ce soir à partir de 18h30, ainsi que les jours de samedi et dimanche.

Nous publions ci-dessous les témoignages de deux de nos membres ayant participé à la manifestation d’hier et au rassemblement devant l’Assemblée nationale.

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Compte-Rendu Jeudi 74 mars

Le Rendez-vous fixé à 14h30, la place Denfert-Rochereau s’est quelque peu vidée. Mais la tête de cortège est déjà loin. Nous marchons tranquillement en brandissant fièrement la banderole « Biblio Debout ». Dans l’ensemble, les événements se déroulent dans le calme, la présence policière semble même étonnamment faible… En tout cas sur les premiers mètres de la manifestation… Nous avançons ; la tension monte. Nous laissons sur notre droite une rue marquée par certains heurts avec la police… Face aux Invalides, de nombreux manifestants s’entassent sur la place Vauban. Nous sommes au milieu, dans la bonne humeur, jetons un coup d’œil au dessus de nous : c’est la première offensive de lacrymos…

Dans un mouvement de foule, nous sommes précipités sur le boulevard des Invalides. Les habitudes reprennent : distribution de sérum phy, écharpes sur le visage… Machinalement, la marche se fait donc dans le sens inverse par lequel nous sommes arrivés. Toutes les sorties sont bloquées par de lourds barrages policiers (grilles, camions …). Nous stationnons désormais en face de l’église Saint-François Xavier. Certains manifestants brisent des vitres publicitaires, mais surtout, on nous signale qu’une voiture brûle dans notre dos. De fait, nous nous en éloignons, encore dans un mouvement de foule. La manifestation officielle est aussi déviée.

C’est alors que l’ensemble des manifestants s’engouffrent dans une rue entourant l’église. Petite, escarpée, elle est longée par un parc. Devant nous, les forces de l’ordre bloquent fortement cette rue, et semblent même avancer… En tournant la tête, nous apercevons d’autres CRS envahir le parc. Désormais, ils tirent des grenades lacrymogènes au milieu de la foule et s’arment de flashballs… Beaucoup d’entre nous sont accroupis sous une haie … Nombreux sont les cris « ne tirez pas ! Mais on va où ? Pas à hauteur de tête ! ». Notre petit groupe reste soudé et nous arrivons à sortir de ce guet-apens… Mais le problème reste le même : nous sommes toujours nassés… De retour sur le boulevard, en face de l’église, les bombes fusent… Les blessures sont nombreuses.. A côté de moi, un manifestant boîte… La marque de l’éclat de grenade est impressionnante… Mais il est déjà reparti en première ligne…

Malgré tout, nous arrivons, plus loin, à sortir, malgré le passage d’un barrage.
Les infos me parviennent : direction Assemblée nationale pour la suite de la mobilisation !

Une fois sur le pont, face au Palais Bourbon, l’ambiance est toujours tendue, les manifestants montrent quelques signes de fatigue, les forces de l’ordre, quand à elles, sont égales à elles-mêmes… Mais, même si je ne le sais pas encore, je sens que quelque chose change…

Nous sommes nombreux à nous asseoir sur la place. Le calme semble reprendre place malgré les CRS, en position, prêts à agir. Comme toujours, la nasse policière se forme. Mais nous restons assis. Puis, subrepticement, une voix, aidée d’un mégaphone, s’élève. L’assemblée générale de Nuit Debout commence ! Il est difficile de décrire, avec des adjectifs cette scène… Je me risquerai à en utiliser quelques uns : impressionnant, magique, plein d’espoir… Je résume : nous sommes des centaines, assis, à déblatérer en assemblée générale, entouré de dizaines de policiers lourdement armé ! D’ailleurs, ces derniers retirent leurs casques et se détendent, ce qui n’est pas pour nous déplaire… De là , plusieurs heures d’assemblée se déroulent dans le calme. Les thèmes habituels envahissent les discussions (violences, actions, manif du 18 etc.). Mais tout de même, c’était quelque chose d’incroyable…

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Cher CRS

J’ai réfléchi bien sagement chez moi. je tenais à vous exprimer ma gratitude au sujet du geste altruiste à mon égard. J’ai donc décidé d’écrire une lettre de remerciement.

Donc pour la plèbe qui n’est pas au fait : hier, dans le contexte de la manifestation très calme (juste quelques dizaines de lacrymos et grenades de dispersion) contre la loi travail, notre groupe nassé dans un grand périmètre autour d’Invalides a eu la prétention de sortir par la barricade que vous gardiez, en mode “check-point Charlie”. En chemin, j’avais récupéré un carton abandonné avec un message qui vous a manifestement beaucoup plu : “49.3, bienvenue en lacrimocratie”. Tellement que vous ne vouliez pas que je sorte de la nasse avec.

flashball

” Hep, vous ne sortez pas avec ÇA”. Vous, grande armoire baraquée et armée, vous me désignez d’un mouvement nerveux l’objet du délit que je tenais dans la main. J’avoue ne pas avoir compris sur le moment et je suis désolée. Je ne savais pas que vous étiez fétichiste des cartons. J’ai compris votre malaise maintenant. Vous comprendrez alors ma maladresse de vous avoir demandé en quoi mon carton constituait une arme de destruction massive. Et puis, devant mon obstination, votre regard qui n’osait pas croiser le mien…maintenant j’ai compris.  Visiblement vous étiez très touché et sur le point de vous mettre à pleurer (ou de m’arrêter, ou les deux). Et puis vous avez raison. Si vous m’aviez arrêtée, vous auriez écrit quoi ? “Motif : elle avait un carton” ? Ridicule. J’ai manqué d’empathie. Pour éviter de vous heurter davantage, je vous l’ai laissé, en prenant bien soin de vous souligner que vous étiez non seulement l’heureux possesseur d’un carton de manif’, mais aussi de la liberté de s’exprimer et de circuler librement sur le territoire français. Une grande responsabilité, mon cher, prenez en soin. Parce que ça, vous avez raison, c’est une arme de construction massive.

Et nous qui nous emmerdions à BiblioDebout à réfléchir sur la politique documentaire, afin qu’on ne nous accuse pas de laisser de côté des titres ou d’en mettre des inadéquats, afin qu’on ne nous accuse pas de  censure. On aurait dû savoir que vous étiez un pro dans la matière. Merci donc pour cette superbe leçon apprise hier, et vous invite à venir nous montrer comment vous faites (mais tapez gentiment svp).

PS. Faites la bise à vos copains qui nous ont visé avec leurs flashballs derrière la haie. Il faut une sacrée dose de courage et un cerveau bien propre, pour tirer sur ses compatriotes sans se faire voir. Chapeau. Petit conseil lessive : le bicarbonate de soude c’est le mieux pour enlever le sang. Ça doit faire tâche sur vos cortex cérébraux fraîchement lavés.

Signé.
Une bibliodeboutiste très triste sans son carton.

One thought on “Face au déni de démocratie, priorité à l’action !

  • Bravo, félicitations, et merci cher(e) bibliodeboutiste. Mais ne soyez plus triste, j’ai un carton rien que pour vous, un carton d’espoir hashtagué “démocratie debout”. Je suis de tout coeur avec vous, loin, mais avec vous.
    Signé: Un citoyen français retraité, expatrié en Floride.

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