Pas d’inquiétude M. Cazeneuve, nous reviendrons !

François Hollande a annoncé aujourd’hui en ces termes son intention d’interdire complètement les manifestations :

A un moment où la France accueille l’Euro, où elle fait face au terrorisme,
il ne pourra plus y avoir d’autorisation de manifester si les conditions de la préservation des biens
et des personnes et des biens publics ne sont pas garanties. 

En réaction, nous publions ces réflexions écrites par l’une des membres de notre groupe suite à sa participation à la manifestation du 14 juin contre la Loi Travail. Nous réinstallerons la BiblioDebout sur la place de la République demain et nous vous appelons à venir nombreux nous y retrouver, pour exercer ensemble nos droits imprescriptibles à nous rassembler et à nous exprimer.

ana

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Tout d’abord, revenons sur quelques « définitions ». Lorsque, dans les médias, l’on parle de « blessés ». De quoi parle-t-on ? Quels sont les critères afin d’établir ce décompte ? Si, parmi, « la vingtaine de policiers blessés », on compte ce baqueu que nous avons croisé, l’arcade sourcilière en sang, peut on également comptabiliser, du coté des manifestants, l’homme diabétique, presque inconscient que nous avons aidé comme nous pouvions lorsque les pompiers trouvaient plus urgent de garer leur camion afin de laisser passer les légions de CRS, que de venir nous aider à l’évacuer? Ou encore, un ami, retrouvé au coin d’une rue, le coude déformé par un impact de flashball, avec qui j’ai attendu plus d’une heure les secours, pour finalement devoir aller à pied aux urgences de l’hôpital Cochin et constater une déchirure au niveau de l’os ? Ou de tous ces manifestants, tombés à terre , à cause des gazs lacrymogènes ?

Loin de moi l’idée d’adresser tant de reproches aux pompiers, qui, doivent gérer les urgences comme ils le peuvent. Mais il est légitime de constater que lorsque les forces de l’ordre sont déployés par milliers, les secouristes sont en sous effectif…

De là, ce décompte des blessés, fait, pour moi, parti d’un processus, bien connu maintenant, de discrédit du mouvement, de volonté de mettre en avant une violence afin de nous faire oublier la contestation, la lutte, le courage incroyable de tous ces grévistes. Parce que, ne l’oublions pas ! Un gréviste est incontestablement courageux ! Il sacrifie son salaire, il s’engage dans la lutte, il tient jours et nuits les piquets de grèves… Et il le fait pour le bien de tous ! Même pour ceux, qui, dans leur canapé face à BFM, l’insultent de fainéant, d’emmerdeur, de branleur et quel qu’autres mots poétiques.

Alors bien sur, après une journée de manifestation comme celle d’hier, nous rentrons chez nous, les poumons encombrés, la gorge irrité, les yeux rouges, les nerfs à vif. La tentation est grande, mais surtout nous n’allumons pas la radio, la télé et autres. La peur ne ferait que se confirmer. La peur d’entendre toujours les mêmes chiffres (je crois que l’on commence à battre des records quant au différentiel entre chiffres de la préfecture et des syndicats : entre 75000 et 1 million cette fois…), la peur d’entendre toujours les mêmes mots, la peur d’entendre de nouvelles menaces quand aux droits de manifester, la peur de ne rien retrouver de ce que nous avons vu.

Dans ce processus, les médias ont bien sur leur rôle à jouer… Et ils le prennent à cœur ! Violences, casseurs, dégradations, heurts, tensions, ravages… sont les seuls mots que l’on entend. Fumées, manifestants dispersés au loin, affrontements … sont les seules images que l’on voit.

Comme toujours, les témoignages et images festives de tous ces manifestants, descendus ou montés à Paris, solidaires et déterminés, mobilisés contre cette loi, sont bien cachés…

Enfin, parlons de la violence policière. Quoi de plus flagrant que cet outil utilisé par l’état pour nous dissuader, pour casser le mouvement une bonne fois pour toute ? Dans le cortège, j’ai eu ce réflexe de dire « ils font ce qu’ils veulent de nous » ! Lorsqu’ils veulent nasser, ils nassent. Lorsqu’ils veulent gazer, ils gazent. Lorsqu’ils veulent couper le cortège, ils coupent le cortège. Lorsqu’ils veulent bombarder, ils bombardent. Sans une once de réflexion. Ou plutôt si… pour nous diviser, pour nous dissuader, pour nous effrayer. Et bien non, c’est encore raté… Nous étions encore plus solidaires… Lorsqu’il fallait attendre les camarades bombardés, nous nous arrêtions pour les rejoindre. Lorsqu’il fallait soigner un blessé, de nombreuses voies s’élevaient au son de « Medics ! Medics ! Medics ! ». Lorsque le gaz envahissait la rue, les serum phy, les jus de citrons circulaient.

Alors Monsieur Cazeneuve, permettez moi de m’adresser directement à vous. Vous nous demandez « de retrouver au fond de nous-mêmes un peu d’humanité, de tolérance et de respect ». Quelle audace ! C’est justement du respect, de la tolérance et de l’humanité que nous avons pu voir naître sur toutes les places de France ces derniers mois, dans tous les cortèges et d’autant plus celui d’hier.

Pas d’inquiétude, nous reviendrons.

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